Fifi tambour fait partie des « grands films patriotiques » commandés dès le début du conflit par la maison Gaumont. Même si la mobilisation priva la profession de la plupart des metteurs en scène, certains furent épargnés par leur âge, ou leur condition physique, tel Louis Feuillade, directeur artistique dès 1909 de la firme à la marguerite, dont le passage sous les drapeaux fut de courte durée. Âgé de 42 ans, il fut en effet réformé dès le mois de juillet 1915 pour troubles cardiaques. Après la réalisation d’œuvres religieuses avec « Le Film esthétique » et d’œuvres réalistes avec la série « La Vie telle qu’elle est », Feuillade, répondant aux demandes de Léon Gaumont et du public, se lança dans la réalisation de films exaltant les valeurs nationales. De ses premiers films patriotiques, on retient surtout Union sacrée, Deux Françaises et Fifi tambour qui est aujourd’hui malheureusement considéré comme perdu, et pour lequel nous ne savons quasiment rien.
L’analyse iconographique de l’affiche, anonyme, permet d’identifier plusieurs archétypes parmi les personnages, hommes, femmes, civils et militaires, ici rassemblés : en tête du cortège, un enfant en habit révolutionnaire – probablement Fifi tambour, mais sans son instrument – donne de l’élan au reste du groupe ; il est entouré d’un soldat de l’An II, d’un porte-drapeau tricolore, d’Alsaciens Lorrains. On reconnaît aussi la cantinière révolutionnaire avec un tonnelet en bandoulière. Au second plan, des soldats français en tenue de 1914 semblent admirer ces figures historiques. Enthousiastes, exaltés, ils chantent tous ensemble la Marseillaise dans une manifestation qui pourrait être, au moment de la mobilisation générale, en faveur du retour des provinces perdues en 1870. L’Alsacienne au premier plan à droite serre d’ailleurs fermement dans sa main le drapeau français qui ressort bien de la composition par sa grandeur et ses couleurs vives. Le paysage alsacien en arrière-plan, très soigné, permet de bien distinguer un beffroi qui doit être celui du lieu de tournage du film (probablement celui d’Obernai). On ne soupçonne pas néanmoins, au vu de ces personnages, lequel aurait pu être joué par Musidora, actrice fétiche de Feuillade depuis 1914, qui figure au générique de Fifi tambour aux côtés de Claude Mérelle et Édouard Mathé, et qui l’accompagna encore sur une vingtaine de films jusqu’en 1917. Celle qui fut l’une des actrices les plus populaires des années 1910 était une grande habituée des productions patriotiques. On la retrouve notamment dans Le Roman de la midinette de Louis Feuillade [voir module « Le Roman de la midinette – Louis Feuillade, 1915 »].
L’utilisation de l’enfance à des fins patriotiques n’est pas née de la guerre de 1914-1918. Elle trouve ses origines dans une tradition jacobine et révolutionnaire que le premier conflit mondial va réactiver en l’accentuant. C’est ce que nous pouvons observer dans la composition de l’affiche où le jeune Fifi tambour, au premier plan, motivé et entraînant, crie aussi haut et fort son amour de la France tout en glorifiant la Révolution de 1789 et ses idéaux. Une mise en scène entre passé et présent dont l’enjeu est de renforcer le sentiment national en montrant, par-delà les liens historiques, que tous les Français, enfants compris, deviennent des acteurs à part entière de la Grande Guerre.