Dans l’est de la France, un soldat blessé au front, Paul Lorraine, est en convalescence chez sa mère. Des soldats allemands font irruption, dirigés par l’ancien garçon de ferme de la famille, Eitel Wolf. Ce dernier tente de monnayer la vie du soldat, qui est tué ainsi que son jeune frère. « La vision de son fils qui lui dit qu’elle doit prendre soin de tous les blessés de France lui donne la force de vivre et le film se clôt sur la vue de Madame Lorraine en habit d’infirmière de la Croix Rouge », selon le matériel d’exploitation accompagnant la sortie du film. Le scénario est l’œuvre de l’auteur de romans populaires Paul d’Ivoi (1856-1915), célèbre pour sa série des Voyages excentriques dans la veine de Jules Verne, inaugurée avec Les Cinq sous de Lavarède et rééditée durablement. Il écrivit bien avant la guerre plusieurs récits nationalistes en collaboration avec le colonel Royer, comme La Patrie en danger, histoire de la guerre future, paru en 1904. En 1915 – il mourra le 6 septembre de cette année –, outre l’écriture de ce scénario, il publie sur le même sujet Femmes et gosses héroïques.

L’illustration due à l’atelier fondé par Candido de Faria (1849-1911), affichiste de prédilection de Pathé frères, intègre dans le lointain d’un paysage dévasté par les exactions allemandes la vision du soldat blessé appuyé sur sa mère âgée, figurée plus jeune au premier plan, plongée dans ses réflexions, et dont le chagrin est symbolisé par le mouchoir blanc tranchant sur son habit noir. Le titre du film suffit à dévoiler l’engagement qui résultera de ses réflexions. Le langage cinématographique du temps du muet aimait représenter par surimpression de la pellicule les visions intérieures ou des apparitions. Le cinéma patriotique recourra fréquemment à ce procédé qui lui permet d’établir un dialogue entre les morts et les vivants.

Ce film court – 220 mètres, soit à peine une quinzaine de minutes – privilégie, à l’encontre du développement du récit, l’efficacité schématique de la propagande, comme en attestent les noms des protagonistes, Lorraine pour le soldat français, et Eitel Wolf (loup vaniteux en allemand) pour le personnage germanique, au service d’un des enjeux majeurs du conflit, le soutien actif apporté par les populations civiles, et en particulier les femmes, à une guerre nécessitant l’engagement de la nation toute entière.