On sait combien le courrier a joué un rôle déterminant pendant la Première Guerre mondiale. Des millions de lettres, de mots griffonnés sur du papier, et de cartes postales, ont circulé quotidiennement du front à l’arrière et inversement. Ces échanges entre les soldats et leurs familles, leurs proches, ont constitué une sorte de cordon ombilical permettant de maintenir le moral de la société tout entière en guerre. Le film Le Roman de la midinette – dont une copie d’environ 20 minutes (en bon état même s’il manque les intertitres) est conservée aux archives du CNC – illustre bien l’importance de la Poste (la franchise postale est décrétée au profit des soldats dès août 1914) durant toute la durée des hostilités, à travers le personnage populaire de la midinette, Jeanne Bernard, une jeune femme interprétée par la non moins populaire Musidora, fidèle actrice de Louis Feuillade, réalisateur du film. Sur l’affiche, on reconnaît d’ailleurs très bien l’actrice, avec ses cheveux noirs plaqués en arrière et la raie au milieu. Réfugiée sur la Côte d’Azur parmi d’autres femmes, Jeanne entretient une correspondance avec un mobilisé nommé Pierre Delarue, qui est orphelin.
La composition de cette affiche est particulièrement novatrice puisque plusieurs scènes du film y découpent l’espace. Dans le haut, apparaissent la verdure imposante et les fleurs de la grande propriété méditerranéenne dans laquelle s’est réfugiée la jeune femme, qui s’opposent complètement à l’atmosphère épurée et austère du front. De la vie des combattants, sur l’affiche comme dans le film, on ne voit que les moments de distribution du courrier et de lecture des lettres, qui invitent à la rêverie. Pierre manque d’ailleurs de se faire sanctionner par un officier qui le surprend en train de lire une lettre au lieu de monter la garde. On le voit ensuite recevoir un colis de Jeanne, garni d’un saucisson, d’une paire de gants, d’une écharpe, ou encore d’une pipe avec du tabac à rouler. L’imagerie populaire des films représentant la vie dans les tranchées, fondée sur la réalité, montre l’engouement des soldats au moment de l’arrivée du vaguemestre et de la distribution du courrier. Cette histoire rend certainement très bien compte de la joie que de tels échanges épistolaires pouvaient procurer. C’était à la fois le bonheur de recevoir des nouvelles du quotidien, dans certains cas devenu extraordinaire, et le plaisir rassurant de communiquer avec ses proches qui ne vous oublient pas. Au-delà des objets et de la nourriture envoyés dans des paquets, ce sont surtout les lettres qui relient le soldat à ce qu’il reste d’humanité. En plus des épouses ou des fiancées, les marraines de guerre ont joué un rôle essentiel : autant de relations bourgeonnantes qui pouvaient donner naissance à de véritables histoires d’amour. C’est ce qui se passe entre Jeanne et Pierre qui s’écrivent sans se connaître et tombent amoureux par l’intermédiaire des mots.