Notice du film

Titre :
Pollyanna

Métrage :
1800 mètres

Année de production :
1920

Société de production :
Mary Pickford Company

Société de distribution :
United Artists

Réalisateur :
Paul Powell (1881-1944)
Associé au début des années 1910 à David W. Griffith, d’abord en tant qu’acteur, puis comme réalisateur, pour la Triangle Fine Arts Film Corporation, Paul Powell dirige, de 1913 à 1927, environ 80 films muets aux États-Unis. Il signe en 1920, avec Pollyanna, son plus grand succès cinématographique.

Acteurs / Actrices :
Mary Pickford (Pollyanna ; 1892-1979), Katherine Griffith (Tante Polly ; 1876-1921), Howard Ralston (Jimmy Bean ; 1904-1992), William Courtleigh (John Pendleton ; 1867-1930), Herbert Prior (Docteur Chilton ; 1867-1954), Wharton James (Révérend John Whittier ; 1873-1943), Helen Jerome Eddy (Nancy ; 1897-1990), George Berrell (Tom ; 1849-1933)

Résumé du film

En 1920, Mary Pickford présente, avec le long métrage Pollyanna, la première adaptation cinématographique du célèbre roman pour enfants du même nom d’Eleanor H. Porter, publié aux États-Unis en 1913. Réalisée par Paul Powell, et inspirée de l’adaptation théâtrale de Catharine Chisholm Cushing en 1915, cette comédie dramatique développe l’histoire du personnage éponyme, une jeune fille pauvre d’une douzaine d’années, qui devient orpheline suite à la mort de son père. Elle part alors vivre en Nouvelle-Angleterre, sous la responsabilité de sa tante Polly, une vieille femme riche, froide et revêche. Néanmoins, malgré la situation, Pollyanna s’accommode rapidement de son sort, restant optimiste en toute occasion, et faisant de son mieux pour apporter de la joie et de la lumière à toutes les personnes qui croisent son chemin. Elle vient notamment en aide à un jeune garçon de son âge, Jimmy Bean, un orphelin en quête d’une maison et d’une famille, qu’elle choisit de cacher dans sa cave, suite au refus de sa tante Polly de l’adopter. Cette dernière souffre en effet encore de la blessure d’une vieille histoire d’amour, avec le médecin du village, qui l’empêche de s’ouvrir à de nouvelles personnes. Mais un jour, alors que Pollyanna est renversée par une voiture en voulant sauver une enfant, les chemins de sa tante et du docteur Chilton se croisent à nouveau, afin de remettre sur pied la jeune fille. L’amour finit par triompher pour la tante Polly et le docteur Chilton, mais aussi pour Jimmy Bean, qui est adopté par M. Pendleton – l’homme qui a renversé Pollyanna avec sa voiture –, et qui promet à Pollyanna de l’épouser lorsqu’ils seront adultes.

Analyse du film

Lors de la création de Pollyanna, la carrière de Mary Pickford est déjà largement reconnue à travers le monde, devenant, à la fin des années 1910, l’une des plus célèbres stars de cinéma hollywoodiennes dans le monde, et l’une des mieux rémunérées. Issue d’une famille canadienne pauvre, suite au décès de son père quand elle n’a que 5 ans, elle fait ses premiers pas sur les scènes de théâtre dès l’âge de 8 ans, à Toronto. Puis, en 1909, après deux années passées au sein de la David Belasco Theatre Company, à New York, elle se tourne vers le cinéma, alors plus lucratif pour ses acteurs. Elle débute avec l’American Mutoscope and Biograph Company, qui déménage en Californie, à Hollywood, en 1910, et y tourne de nombreux films réalisés par David W. Griffith. Sa renommée grandissant rapidement aux États-Unis, se faisant connaître sous les surnoms de « Little Mary » et « America’s Sweetheart », elle fait ensuite jouer la concurrence en passant d’un studio à l’autre, de façon à gagner, au fil du temps, un cachet plus important et un plus grand contrôle créatif. Ainsi, en 1916, au sein de la Famous Players Company, elle parvient notamment à créer et détenir sa propre société de production, la Mary Pickford Film Corporation. Puis, en 1918, la First National Pictures lui accorde un contrôle créatif total sur ses créations, avec la fondation d’une nouvelle société de production indépendante, la Mary Pickford Company. Cependant, alors qu’elle aspire à une autonomie complète sur ses productions, Mary Pickford se détache finalement des studios hollywoodiens en 1919, en cofondant avec trois des plus grandes stars de l’ère muette du cinéma – Charlie Chaplin, Douglas Fairbanks et David W. Griffith – la United Artists, devenant dès lors la distributrice de ses propres films, en plus d’être leur productrice indépendante et leur interprète principale.

Pollyanna est le premier film que Mary Pickford développe pour cette union, marquant donc le début d’une nouvelle phase de sa carrière, empreinte d’autonomie (fig. 1 et 2). Toutefois, le choix de cette adaptation cinématographique, face à l’enjeu qu’il représente pour l’actrice et sa nouvelle société, semble avant tout relever de la prudence : le roman et la pièce de théâtre dont il s’inspire sont déjà très populaires aux États-Unis, et le personnage de Pollyanna n’est pas sans rappeler les rôles les plus célèbres incarnés par Mary Pickford jusqu’alors. En effet, tandis qu’elle évolue d’abord à travers une grande diversité de rôles à l’écran, l’actrice interprète, à partir de 1916, des figures plus jeunes, apparaissant d’abord sous une forme enfantine le temps d’une séquence dans The Foundling (John B. O’Brien, 1916), puis tout au long d’un film, avec l’adaptation du livre d’Eleanor Gates, The Poor Little Rich Girl (Maurice Tourneur, 1917). Ce dernier est un tel succès qu’elle transpose ensuite d’autres romans pour enfants à l’écran, devenant Rebecca dans Rebecca of Sunnybrook Farm (Marshall Neilan, 1917), Sara Crewe dans The Little Princess (Marshall Neilan, 1917) et Judy Abbott dans Daddy-Long-Legs (Marshall Neilan, 1919). Pollyanna s’inscrit ainsi dans la continuité de ces rôles, garantissant à Mary Pickford des revenus importants et une image positive pour son studio, en adéquation avec sa popularité grandissante aux États-Unis, mais aussi en Europe, et notamment en France, depuis 1918, étant particulièrement appréciée sous ses traits de petite ingénue, bien qu’elle atteigne déjà l’âge de vingt-sept ans (fig. 3).

Pour l’écriture de ce film, Mary Pickford fait une nouvelle fois appel à Frances Marion, sa meilleure amie et la scénariste d’une dizaine de ses précédentes créations. C’est d’ailleurs principalement à elle que l’on doit le développement de l’image enfantine de Mary à l’écran, de la deuxième moitié des années 1910 à la première moitié des années 1920, à travers l’adaptation de nouvelles classiques et populaires. Ainsi, elle contribue à faire apparaître l’actrice sous la forme de jeunes héroïnes populaires, aux qualités typiquement américaines et modernes pour l’époque, chacune d’entre elles étant à la fois douce et optimiste, mais aussi intelligente, indépendante et pleine de vivacité. Pollyanna reprend d’ailleurs l’ensemble de ces caractéristiques, bien que son optimisme soit quelque peu excessif. Frances Marion incorpore également des touches de comédie à chacun de ces films, avec quelques séquences burlesques et des intertitres humoristiques, jouant de cette façon avec les variations de tons, permises par l’insouciance et la spontanéité de l’enfance. Cela est entre autres perceptible dans Pollyanna, où le traitement comique de certaines scènes, en rapport avec l’optimisme de la jeune fille, permet de surmonter le drame narratif. La tristesse de l’intrigue vécue par Pollyanna est ainsi atténuée par son innocence. Le personnage fait en effet toujours face avec joie, et une certaine maladresse comique, aux problèmes et injustices qui se trouvent sur son chemin, jusqu’à illuminer la vie des personnes qui l’entourent, et notamment des adultes (fig. 4).

Réception du film

Ciné pour tous (4 novembre 1921 ; Pierre Henry) :
« Pollyanna ; c’est la simple histoire d’une fillette ; son histoire est un morceau de vie, non une intrigue laborieusement combinée ; cette fillette est une fillette qui “vit” ni plus, ni moins ; et non quelque artificielle actrice qui “joue” une fillette. Pollyanna est certainement le meilleur film de la Mary Pickford de Molly, de Petit Démon, de Madame Butterfly et du Roman de Mary. »

Hebdo-film (24 septembre 1921 ; A. V.) :
« La première présentation de cette firme fut un succès ; la seconde s’annonce également comme telle. Après Le Signe de Zorro, c’est Pollyanna. Après Doug, Mary. On a applaudi au premier, on en fait de même pour le second et, si nous en croyons les indiscrétions, il en sera ainsi pour les autres productions de ce formidable quatuor qui groupe Douglas, Mary, Charlie et Griffith. […] Il faut voir avec quelle espièglerie Mary Pickford compose son ingénue Pollyanna. Elle nous trouble et nous enchante. Tour à tour elle fait rire et pleurer. […] C’est de la joie pure et sans artifice. C’est une agréable comédie, c’est un sourire, un peu de lumière qui vient nous égayer et nous distraire. Dans Pollyana, Mary Pickford est délicieusement émouvante. Jamais son jeu n’a été plus expressif et si merveilleusement nuancé. C’est un triomphe pour l’artiste que nous aimons tous. […] Certes, je ne vous apprendrais rien de nouveau en vous disant que les productions des “United Artists” sont toujours d’un soigné et d’un fini artistique qui ne méritent que des éloges. Une mise en scène d’une scrupuleuse vérité, avec ces trouvailles simples qui donnent un attrait à l’ensemble, une juste mesure dans la réalisation et l’ordonnance des scènes, une photographie d’une telle luminosité qu’elle constitue un véritable enchantement pour les yeux. Nul n’ignore que ce film connut une longue et fructueuse carrière tant en Amérique qu’en Angleterre. Il n’a passé l’Atlantique que pour faire son tour de France, et il le fera. La présentation de Marivaux, saluée par d’unanimes applaudissements, fut un véritable triomphe au sens le plus absolu du mot. Jamais dans ses précédentes productions Mary Pickford n’avait poussé ses qualités d’observation profonde avec plus de vérité et de précision. Elle ne nous a d’ailleurs nullement étonnés mais charmés agréablement. Elle est simplement humaine. Elle nous enseigne avec la grâce native que nous lui connaissons ce formidable secret : celui d’être simplement heureux. Pollyanna est plus qu’un succès, c’est un triomphe. »

Le Petit Journal (11 novembre 1921 ; René Jeanne) :
« Il y avait longtemps que nous avions applaudi Mary Pickford. L’occasion nous en est offerte avec Pollyanna, qui est un film d’une moralité si ingénue que nous n’en pourrions probablement pas supporter la projection jusqu’au bout s’il n’était interprété par la charmante artiste. Toute jeune, la petite Pollyana a compris que pour être satisfait de son sort on n’a, qui que l’on soit, qu’à regarder plus bas que soi. […] La mise en scène et la photo sont ce qu’elles sont dans la presque totalité des films américains, c’est-à-dire parfaites. Et cette perfection ne nous fait que regretter davantage l’insuffisance de plus en plus certaine des scénarii que choisissent avec un ensemble inquiétant les metteurs en scène et les stars d’Amérique. »

Diffusion et circulation

Le 15 septembre 1921 à Paris : Salle Marivaux.

Du 11 au 17 novembre 1921 à Paris : Electric, Ciné-Opéra, Palais des Fêtes, Colisée, Demours, Gaumont-Palace, Barbès-Palace, Danton-Palace, Palais des Glaces, Convention.

Du 18 au 24 novembre 1921 à Paris : Splendid-Cinéma-Palace.

Du 25 au 27 novembre 1921 à Paris : Modern-Cinéma.

Bibliographie

Articles de presse :

Ciné pour tous, n°77, 4 novembre 1921, pp. 4, 9 et 10.

Hebdo-film, n°291, 24 septembre 1921, p. 35.

Le Petit Journal, n°21484, 11 novembre 1921, p. 4.

Ouvrages :

HARDE Roxanne, KOKKOLA Lydia, Pollyanna: A Children’s Classic at 100, Jackson, University Press of Mississippi, 2014.

SCHMIDT Christel (dir.), Mary Pickford: Queen of the Movies, Lexington, The University Press of Kentucky, 2012.

TIBBETTS John C., « Mary Pickford and the American “growing girl” », Journal of Popular Film and Television, Washington, vol. 29, n°2, 2001, pp. 50-62.

Visuels

À propos de l'auteur

Laura Portier

Étudiante en master Cinéma et audiovisuel à l'université Sorbonne Nouvelle

Pour citer cet article

https://cine08-19.go-on-web.net/article/mary-pickford-dans-pollyanna-1920/

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