Notice du film

Titre :
Rigadin poète

Métrage :
175 mètres

Année de production :
1911

Société de production :
Société Cinématographique des Auteurs et Gens de Lettres (SCAGL)

Société de distribution :
Pathé frères

Réalisateur :
Georges Monca (1888-1939)
Entre 1909 et 1920, Georges Monca réalise plus de 200 films de la série comique française Rigadin pour Pathé frères. Il dirige alors l’acteur Charles Prince, qui devient avec ce personnage récurrent l’une des premières vedettes comiques du cinéma muet français.

Acteurs / Actrices :
Charles Petit-Demange alias Charles Prince (1872-1933), Émile Milo (1889-1952), Édouard Delpy, Armand Lurville (1875-1955), Gabrielle Chalon et Gabrielle Debrives

État et localisation du film :
Film Pathé n°4767.
Numérisation : Centre national du cinéma et de l’image animée.
Ordre de fabrication : n°3556.
Archives n°1912CNCPFIC00054.

Résumé et analyse du film

En 1911, Georges Monca tourne Rigadin poète, film de 8 minutes que le Bulletin Pathé n°8 de 1912 résume de la sorte : « Rigadin, épris d’une charmante midinette, lui dédie des vers enflammés. Tandis qu’il est bercé par les Muses, son ami Letapeur vient lui emprunter de l’argent et Rigadin, tout à son poème, se laisse arracher quelques louis. Or, Letapeur, sans le savoir, est le rival de son ami et tandis que le poète se rend chez sa bien-aimée en déclamant ses vers, Letapeur se paye avec celle-ci un bon petit souper aux frais de l’excellent Rigadin, qui les trouve dans les bras l’un de l’autre. La midinette, sensible à la déception de son amoureux lui offre une poire comme fiche de consolation ». Le résumé conservé par Pathé – au dos duquel un morceau de pellicule d’une dizaine de photogrammes est collé – est quasiment identique ; est ajouté cependant, dans la dernière phrase : « La midinette, sensible à la déception de son amoureux lui offre – ô ironie ! – une poire comme fiche de consolation. » (fig. 1).

Outre Charles Prince, cette scène comique est interprétée par des acteurs identifiés par le truchement de mentions manuscrites figurant au dos d’une photographie d’exploitation (fig. 2) : Émile Milo (parfois orthographié Émile Mylo ; de son vrai nom Eugène Émile Ferdinand Ducrot ; 1889-1952), Édouard Delpy, Armand Lurville (de son vrai nom Armand Barouch Josephson ; 1875-1955), Gabrielle Chalon et Gabrielle Debrives. Entre 1910 et 1956, Émile Milo a tourné dans une soixantaine de films, réalisés entre autres par Albert Capellani, Georges Denola et Georges Monca. Édouard Delpy joua notamment quant à lui dans Un monsieur qui a un tic d’Albert Capellani et dans La Lettre inachevée de Georges Denola, deux films de 1911. Armand Lurville a été acteur pour le théâtre et pour le cinéma ; il a participé à une vingtaine de films, dont une dizaine de Rigadin, de Rigadin veut mourir de Georges Monca en 1911 à Rigadin a fait un riche mariage de Georges Monca en 1918. Gabrielle Chalon a fait partie un temps de la troupe de l’Éden-Concert où elle était comédienne ; dans les années 1910, elle apparaît dans bon nombre de Rigadin, de Rigadin prend le train de 5h55 en 1910 à Rigadin a l’âme sensible en 1911. Gabrielle Debrives a elle aussi tourné dans plusieurs Rigadin, de Rigadin cherche un engagement à Rigadin amoureux d’une étoile, tous deux sortis en 1910. Avec Rigadin poète, on retrouve par conséquent une sorte de bande de comédiens que les spectateurs ont l’habitude de voir dans cette série comique.

Jusqu’ici, cette scène comique incomplète était présentée sans intertitres. Suite à l’intérêt du projet ANR Ciné08-19 pour cette dernière, le CNC a reconstitué des intertitres en s’aidant du résumé du Bulletin Pathé n°8 de 1912. Particulièrement bienvenus pour une bonne compréhension de l’ensemble, ils ont été créés en essayant d’être le plus fidèle aux pratiques de l’époque : « Rigadin est épris d’une charmante midinette… », « … pour qui il écrit des vers enflammés », « Rigadin, tout à son poème, se laisse arracher quelques louis », « Le poète se rend chez sa bien-aimée… », « En déclamant ses vers », « Tandis que Letapeur offre à la bien-aimée… », « Un bon petit souper… », « Aux frais de l’excellent Rigadin » et « Désespoir… ». Ainsi les patronymes des protagonistes n’apparaissent pas sur les cartons d’intertitres – à l’exception du personnage éponyme, Rigadin – mais relevons une fois encore l’importance de l’onomastique dans les résumés Pathé proposés. Ici, l’ami roublard de Rigadin, qui abuse de la gentillesse et de la naïveté du poète pour lui soutirer de l’argent, a pour nom de famille Letapeur. Quant à la jeune femme, elle se voit affublée du qualificatif « midinette », communément usité à l’époque. Ici, ce terme prend avec ironie tout son sens car littéralement une midinette signifie « qui se contente d’une dînette à midi ».

Le visionnage du film permet de constater que l’histoire ne s’arrête pas à l’épisode de la poire. En effet, Rigadin n’est pas dupe et constatant que l’on se moque éperdument de lui, il rejette de suite le fruit qui lui est tendu et quitte le domicile de la midinette. Dans la séquence suivante, il tente de mettre fin à ses jours en se jetant à l’eau. Mais de suite le plan se déroule à l’envers et il en ressort pour se retrouver détrempé sur la rive. Ses longs cheveux de poète recouvrent son visage tel des algues. Surprise et rires assurés. Sur ces entrefaites arrive une corpulente femme noire ; linge sous le bras elle vient visiblement le laver dans la rivière. Rigadin dépité, la feuille de son poème toute mouillée, le déclame alors à la femme. Elle l’écoute, bienveillante. Ils s’enlacent. Ils partent ensemble.

La réalisation de ce Rigadin est réussie à bien des égards. Relevons notamment le trajet que Rigadin fait en pleine rue pour se rendre de son domicile à celui de la midinette. Étourdi par son amour, il s’est couvert d’un abat-jour plutôt que de son chapeau. Il marche en déclamant avec emphase le poème qu’il vient de composer pour l’élue de son cœur. Autour de lui, une foule le regarde abasourdie, dont beaucoup d’enfants hilares. Les regards-caméra sont évidemment pléthores. Et la portée comique de ces plans d’ensemble est renforcée par le fait qu’ils sont montés de manière alternée avec ceux donnant à voir Letapeur et la midinette à table, laissant deviner l’issue. L’autre aspect intéressant de la mise en scène réside dans deux panoramiques. Le premier nous permet de découvrir, de droite à gauche, l’intérieur de chez la midinette (le mur de la pièce est absent et de fait l’œil du spectateur omniscient) et la porte d’entrée extérieure de l’appartement devant laquelle les protagonistes se présentent. Un panoramique inverse accompagne l’arrivée de Rigadin en ce lieu. Ainsi, ces choix de réalisation sont véritablement au service de la dramaturgie et du comique de cette scène.

Réception du film

Gil Blas (28 janvier 1912) :
« Une scène comique interprétée par l’excellent Prince : Rigadin poète ».

La Tribune de l’Aube (2 mars 1912) :
« Nous allions omettre de parler de Rigadin poète. Rigadin est poète à ses heures et dédie à sa chère et tendre des vers très enflammés. Son ami intime profite de l’instant où notre héros taquine les muses pour le taper. Avec l’argent ainsi trouvé, il offre un fin repas à une charmante ouvrière, qui se trouve précisément être l’amie de Rigadin. Celui-ci arrive chez la belle pour lui déclamer ses vers et la trouve dans les bras l’un de l’autre. Émue tout de même de la déconvenue de son ardent et passionné amoureux, elle offre, ô ironie ! à Rigadin, comme fiche de consolation… une magnifique poire ! »

Le Progrès de la Côte-d’Or (28 avril 1912) :
« L’inénarrable Prince, dans Rigadin poète ».

Diffusion et circulation

  • Alger – Omnia-Pathé : 3 juin 1912 + 4 juin 1912 + 5 juin 1912
  • Cinéma Pathé Côte d’or (sans doute Dijon ?) : 27 et 28 avril 1912
  • Firminy (Loire) – Eden Cinéma : 6 décembre 1912
  • Paris – Cirque d’hiver (cinéma Pathé) : 28 janvier 1912
  • Paris – Grande salle des fêtes du Petit Journal (sans doute 61 rue Lafayette) : 1er février 1912 + 4 février 1912
  • Paris – Omnia Pathé 5 boulevard Montmartre  : 25 au 30 janvier 1912
  • Paris – Pathé-Palace 32 boulevard des Italiens : 28 janvier 1912
  • Saint-Claude (22) – Cinéma San-Claudien – Théâtre du Casino – Place des Carmes : 3 novembre 1912
  • Saint-Quentin (02) – Kursaal 123 rue de d’Isle : 7 février 1912
  • Troyes (Aube) – Cinéma Pathé : 1er mars 1912

Bibliographie

  • Bulletin Pathé, n°5 (1912).
  • Ciné-Journal, n°179 (20 janvier 1912).
  • Gil Blas (28 janvier 1912).
  • La Tribune de l’Aube (2 mars 1912).
  • Le Progrès de la Côte-d’Or (28 avril 1912).

Visuels

À propos de l'auteur

Carole Aurouet

Maîtresse de conférences HDR à l’université Gustave Eiffel

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Pour citer cet article

https://cine08-19.go-on-web.net/article/rigadin-poete-georges-monca-1911/

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